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L’immersive Learning (apprentissage immersif) propose de mobiliser des environnements virtuels (EV) pour assurer des apprentissages. Selon la chercheuse Charlotte Hoareau, il s’agit notamment (Hoareau, 2017) :

  • d’apprentissage de gestes techniques ;
  • d’apprentissage de connaissances (les savoirs) ;
  • d’apprentissage de procédures (les savoir-faire) ;
  • d’apprentissage de comportements (le savoir-être).

Les EV peuvent notamment être mobilisés via des dispositifs techniques de type Réalité Virtuelle (RV). Selon la chercheuse Domitile Lourdeaux, les avantages de la RV au regard des formations en Environnement Réels (ER) sont multiples (Lourdeaux, 2001, p.12) :

  • Réaliser des tâches sans danger.
  • Faire des erreurs sans que la sécurité soit mise en cause car les erreurs sont formatrices.
  • Reconfigurer l’environnement (changement de terrain, conditions climatiques).
  • Modéliser des terrains d'entraînement inaccessibles (espace, terrains ennemis, voie ferrée très fréquentée).
  • Réaliser des scénarios impossibles à reproduire dans la réalité (accidents). ß Simuler des scénarios et des conditions rares (incidents techniques, etc.) afin de mettre, par exemple, le stagiaire en situation de stress, embarrassante, imprévue et inattendue.
  • Être indépendant du temps et autres nécessités (disponibilités). 
  • Utiliser un espace limité (par rapport à une maquette à l'échelle 1).
  • Utiliser le même équipement pour d’autres formations.

Si ces perspectives semblent prometteuses, il convient d’éviter l’écueil de l’approche technocentrée. En effet, l’immersive learning ne se résume pas pour un formateur à chausser des casques de RV sur la tête de ses apprenants et de tourner les talons pour espérer voir la magie formative s’opérer. Il convient également de prévoir comment va s’opérer l’activité de formation, c’est à dire l’expérience d’apprentissage que l’on peut associer à des EV. Mais en quoi consiste concrètement le design d’une activité de formation dans le cadre de l’Immersive Learning ? Et notamment lorsque cela s’applique au domaine RH ?

Structurer l’activité d’Immersive Learning

Pour commencer, il convient de structurer la séquence pédagogique en trois phases comme nous l’enseigne Nicole Tremblay avec ses « trois temps pédagogiques » (Tremblay, 2007, pp.102-104). Il s’agit concrètement comme nous l’expose Julian Alvarez (Alvarez, 2019, p. 225) :

  • « En amont de la situation pédagogique » : de préparer le terrain en donnant du sens aux apprentissages pour le compte de l’apprenant.
  • « Pendant la situation pédagogique » : de motiver l’apprenant, de lui donner confiance, et d’opérer des distanciations
  • « Après la situation pédagogique » : opérer le débriefing de l’activité.

Le passage en revue de ces trois phases montre que le formateur doit endosser des rôles différents. Il sera ainsi tour à tour animateur, accompagnateur, médiateur, enseignant, éventuellement pédagogue et parfois même maître du jeu. Cela démontre à quel point les solutions technologiques d’immersive learning dépendent étroitement de médiations humaines pour maximiser les chances d’atteindre les objectifs pédagogiques visés. En parallèle, il convient toujours de garder à l’esprit que les apprenants interpréteront l’environnement virtuel proposé et les messages associés en fonction de leurs propres références culturelles, de leur histoire, des enjeux associés à la formation, du fait d’être seul ou en groupe, de leur humeur du moment, etc. Ainsi, comme nous le confirment Patrizia Laudati et Sylvie Merviel, il convient d’aller au delà de la notion d’interface que peut représenter par exemple un dispositif VR « sur laquelle on peut échanger des informations et activer des fonctionnalités » pour prendre en compte « sa capacité à évoquer des expériences uniques et mémorables dans un lieu défini, qu’il soit physique ou virtuel ». Elles précisent qu’un « lieu est un espace perçu, vécu et ressenti par l’observateur, selon l’expérience qu’il en a ». Ainsi, elles expliquent que : « l’expérience spatiale, quelle que soit l’échelle de l’espace physique (pièce, logement, rue, quartier, ville), ou la taille de l’espace virtuel (extension du réseau), est avant tout un processus cognitif puis sémantique, basé sur une perception plurisensorielle et sur un apprentissage progressif et itératif ». Au niveau de l’expérience, Laudati et Leleu-Merviel précisent : « L’expérience n’est pas un processus unique, statique et figé, mais dynamique et continuellement renouvelé, ainsi que le sens construit à partir de chaque expérience » (Laudati & Merviel, 2018,, pp.16-17). 

Exemple d’une activité d’Immersive Learning

Ces aspects étant posés, à quoi ressemble concrètement une séquence de type Immersive Learning associant de la Réalité Virtuelle et qui tiendrait compte de l’association d’un formateur ? Pour s’en donner une représentation, nous pouvons prendre comme exemple, une séquence ludopédagogique visant à montrer l’importance de l’empathie, de la qualité d’écoute, de la communication et de l’observation au sein d’un groupe organisé et notamment dans un contexte de management. 

Cette formation de type Immersive Learning a été proposée par Alvarez en 2019. Le public visé concerne un public d’apprenants en lien avec le domaine du management. Cette séquence de 30 minutes est construite autour du jeu numérique Keep Talking and Nobody Explodes (Steel Crate Games, 2015) et qui propose un mode fonctionnant en réalité virtuelle. Il s’agit d’un jeu où l’on doit désamorcer une bombe dans un temps imparti. Une seule personne voit la bombe dans un environnement virtuel. Il s’agit de l’apprenant coiffé d’un casque VR. A quelques mètres de lui, dans la même salle, trois autres apprenants disposent d’une notice en papier et incarnent des experts en déminage. Ils ne peuvent pas voir la bombe et disposent uniquement de la possibilité de dialoguer avec l’apprenant coiffé du casque VR. 

Séance d’Immersive Learning dédiée au Management avec le jeu
Keep Talking and Nobody Explodes (Steel Crate Games, 2015)

Le temps est compté, le groupe dispose de 5 minutes pour décrire la bombe, faire le lien avec la notice et tenter de la désamorcer. Il convient donc de poser en situation de stress, les questions les plus précises et compréhensibles possibles au joueur qui voit la bombe. En retour, le joueur qui voit la bombe doit décrire au mieux les éléments qui compose l’engin explosif. Le formateur observe l’activité et aide le cas échéant les participants s’ils rencontrent des problèmes techniques ou de compréhensions liées aux objectifs de l’activité.

Cette expérience a préalablement été introduite par le formateur qui explique le principe du jeu et les objectifs pédagogiques associés. Après la session, l’ensemble des apprenants se réunissent pour un débriefing. De manière générique, le formateur pose quatre questions clés durant cette dernière phase :

  • Qu’avez-vous ressenti ?
  • Que pensez-vous avoir appris ?
  • Pensez-vous mobiliser ces apprentissages dans votre quotidien ou sur le plan professionnel ?
  • Que pourriez-vous suggérer pour améliorer cette séquence d’Immersive Learning ?

Ces quatre questions posées ne sont pas exhaustives, mais constituent les étapes clés d’un débriefing que l’on peut proposer pour une activité d’immersive learning. Elles ont pour objectif d’évacuer en premier lieu l’excitation ou l’anxiété liées à l’activité de jeu pour ensuite opérer une distanciation sur les apprentissages abordés, renforcés ou acquises ainsi que les savoir-faire mobilisés. Cette distanciation opérée, on comprend bien que le jeu ou plus globalement l’expérience d’Immersive Learning n’est plus de mise. Nous rentrons dans un échange didactique voire un débat qui permet au formateur d’orienter ses apprenants vers ses objectifs pédagogiques. Il est également possible à ce stade de réduire au mieux les interprétations qui seraient trop éloignées des messages pédagogiques recherchés par le formateur. Cette étape effectuée, il convient ensuite de voir si une transposition entre l’environnement virtuel et le monde réel est envisageable. Enfin, comme la formation de type immersive learning est un processus qui s’améliore par itération, il convient également pour le formateur de recueillir les informations susceptibles d’améliorer l’activité proposée dans son ensemble.  

Immersive Learning et RH

Maintenant que nous disposons d’un exemple concret d’Immersive Learning et que nous avons appréhendé sa mise en oeuvre, nous pouvons questionner son emploi dans le cadre RH lorsqu’il s’agit de recruter.

Pour cela prenons appui sur la citation d’Alvarez : “Contrairement à un entretien, pendant lequel un candidat peut manquer de clarté sur ses aptitudes, le serious game les révèle au grand jour… par le jeu !”. Que penser d’une telle déclaration ? A la lumière de l’exemple du jeu Keep Talking and Nobody, nous pouvons en effet penser que les participants pourront dans le cadre d’une session d’Immersive Learning révéler leurs aptitudes à gérer une situation stressante et montrer le cas échéant leur capacité à faire preuve d'empathie, d’écoute mais aussi à s’exprimer, de faire des propositions mais aussi à se conformer à des décisions de groupe… Le fait d’accepter ou non l’échec ou bien de rester modeste en cas de victoire peut aussi être analysé par un recruteur par exemple. Néanmoins, nous avons vu à quel point de telles expériences d’immersive learning sont liés à des enjeux et contextes ponctuels. Ainsi, le danger serait de vouloir tirer des généralités d’une expérience non reproductible car unique. 

De ce fait, il convient pour le recruteur de prendre du recul et de considérer la chose avant de trancher sur ces décisions de recrutement. Aussi, il est conseillé pour cela de proposer des activités bienveillantes pour maximiser les chances de voir les participants valorisés par l’expérience proposés et ainsi révéler avant tout leurs qualités. C’est dans ce cadre, que l’Immersive Learning peut apporter une contribution non négligeable à un service RH, tant pour former que pour recruter.


Bibliographie

ALVAREZ, J. (2019). « Design des dispositifs et expériences de jeu sérieux », Université Polytechnique des Hauts-de-France, VALENCIENNES, (FRANCE)

Hoareau, C. (2017). « Réalité Virtuelle et apprentissage de procédures », Réseaux Canopé, CHASSENEUIL, (FRANCE)

LAUDATI, P. & LELEU-MERVIEL, S. (2018). « De l’UXD (User eXperience Design) au LivXD (Living eXperience Design) : vers le concept d’expériences de vie et leur design » in S. LELEU-MERVIEL, USEILLE, P.  & SCHMITT, D. (2018). De l’UXD au LivXD, le design des expériences de vie, ISTE Editions, LONDRES, (ROYAUME-UNI)

LOURDEAUX, D. (2001), « Réalité Virtuelle et Formation ? : Conception d’Environnements Virtuels Pédagogiques », Ecole des Mines de Paris, PARIS, (FRANCE)

TREMBLAY, N. (2007). « Formation initiale des enseignants, médiation pédagogique et approche philosophique », in TREMBLAY, N. (dir.), Des pratiques philosophiques en communauté de Recherche en France et au Québec, Presse de l’Université de Laval (PUL), LAVAL, (CANADA)

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